Un projet dédiée à Giordano Bruno
Alors que depuis 2011, les trois premiers projets du groupe proposaient la description musicale d’un monstre collectivement apprécié comme tel, ici Christian Vasseur choisit de déroger à cette thématique originelle. Avec Le Ceneri del filosofo (en français, "les cendres du philosophe"), point de monstre à tentacules ou autres bizarreries morphologiques. Ici, le monstre est un homme : Giordano Bruno, philosophe italien, dominicain défroqué, libre penseur et promoteur avant-gardiste d’un univers infini.
Homme audacieux, rebelle à tout conformisme intellectuel, dont la pensée ancrée dans la philosophie matérialiste de Démocrite et Lucrèce bouscule la fin du XVIe siècle, Giordano Bruno est un monstre aux yeux de nombreux théologiens et philosophes de son temps. Catholiques, protestants luthériens et calvinistes l’ont trouvé sur leurs routes, questionnant inlassablement la validité et l’opportunité des dogmes. Bruno donne la primeur à la philosophie contre la théologie, un impensable pour l’Inquisition - autre monstre de cette histoire, dont les méthodes cruelles firent des ravages sur les esprits et les corps. La remise en cause de la Sainte Trinité, de la virginité de Marie et surtout la promotion d’un univers infini conduiront le philosophe à la mort : après un procès de 8 ans, il fut condamné en 1600 par l’inquisition romaine à être brûlé vif.
« Il est impossible de faire une revue complète de toutes les monstruosités qu’il a avancées, soit dans ses livres, soit dans ses discours. Pour tout dire en un mot, il n’est pas une erreur des philosophes païens et de nos hérétiques anciens ou modernes qu’il n’ait soutenue... Le malheureux est mort au milieu des flammes, et je pense qu’il sera allé raconter dans ces autres mondes qu’il avait imaginés comment les Romains ont coutume de traiter les blasphémateurs et les impies. Voilà, mon cher ami, de quelle manière on procède chez nous contre les hommes, ou plutôt contre les monstres de cette espèce. »
Gaspard Schopp à son ami Conrad Rittershausen. 17 février 1600.
L’œuvre
Le Ceneri del filosofo est divisée en 9 parties qui évoquent la vie et l’œuvre de Giordano Bruno :
– Ô dolce Monte di Cicala : le mont di Cicala borde la petite ville de Nola où naquit Bruno. Nola est le point d’ancrage du philosophe, un lieu d’émerveillement qui devient symbole de décentrement, car dans un monde infini le centre est partout et nulle part.
– La bestia trionfante : "L’expulsion de la bête triomphante" est l’un des premiers grands textes à perturber la théologie imprégnée d’Aristotélisme.
– San Domenico di castello : le lieu où l’on emprisonnait à Venise.
– Tutte queste terre di esilio : Bruno passa presque toute sa vie en exil, de l’Italie à l’Angleterre en passant par la France, la Suisse et l’Allemagne avant de revenir en Italie.
– Sant’uffizio : La prison de l’inquisition romaine. Bruno y passa 8 années et y fut torturé.
– Campo dei fiori : La place romaine où les hérétiques étaient brûlés vifs. S’y trouve depuis 1889 une statue de Giordano Bruno, érigée en hommage aux libres penseurs.
– Lontane vanno le stelle : le nom des étoiles, leur nombre augmente d’année en année au fur et à mesure de leurs découvertes.
– Un’infinita di soli : Giordano Bruno soutenait que l’univers était infini, une hérésie pour le clergé, qui le conduisit au bûcher.
– Infinito : après le son il y a encore du son.
L’instrumentarium constitue une espèce de guitare en expansion évoquant les luths, les archiluths, les théorbes, les chitaronnes, les archicistres et les harpes qui accompagnaient l’opéra naissant.
Les sons des guitares et cithares joués à l’archet sont des réminiscences des consorts de violes et du lirone. Les voix se font teneurs de plain chant, actrices d’une cérémonie païenne opératique et messagères poétiques. Le gong extrapole et soutient la résonance des cordes.