Désarchiver / Travail est une commande de Muzzix au compositeur Jean-Luc Guionnet, avec lequel le collectif collabore depuis une vingtaine d’années. Écrite spécialement pour les Archives nationales du monde du travail à Roubaix, cette œuvre musicale in situ a été composée à partir de documents collectés dans les fonds d’archives et des propriétés acoustiques du bâtiment.
Désarchiver / Travail a été interprétée le 19 novembre aux Archives nationales du monde du travail par un sous-ensemble du Grand Orchestre de Muzzix, accompagné par la comédienne Sonia Fleurance et un ensemble vocal amateur constitué d’une vingtaine d’habitants et habitantes du département du Nord. Les interprètes étaient éclatés dans l’enceinte du bâtiment, invitant le public à déambuler à travers les différents espaces pour se plonger dans la découverte du lieu et de la richesse de ses archives.
Un projet s’inspirant des documents d’archives et de l’analyse acoustique des Archives nationales du monde du travail
Installées depuis 1993 au cœur de Roubaix, dans l’ancienne filature Motte-Bossut, fleuron de l’industrie textile du XIXe siècle, les Archives nationales du monde du travail ont pour mission de collecter, classer, conserver, communiquer et valoriser les archives d’acteurs de la vie économique et professionnelle.
Le travail de Jean-Luc Guionnet y a débuté en avril 2021 par une phase de recherche, de fouille et de collecte dans les fonds y étant conservés. Si cette recherche visait au départ à extraire des documents desquels pourrait se dégager une définition du travail lui-même, la structuration et la richesse des fonds d’archives ont donné une toute autre direction à cette collecte. En effet, la manière dont sont classées les archives, en collection de fonds indépendants plutôt qu’en parcours thématiques ou par ordre alphabétique, a amené le compositeur à trouver et retenir surtout ce qu’il ne cherchait pas. Dans une même boite d’archives, on retrouve par exemple des comptes-rendus de réunions écrits par un ouvrier syndicaliste des années 60 aux côtés d’une collection de lettres de son père, en passant par des notes prises pendant un voyage, quelques poèmes, un livre annoté sur la dactylographie ou encore une liste de courses égarée. Le fil conducteur de la pièce est alors apparu comme une évidence : partager les parcours de vie et témoignages subjectifs voire intimes de travailleurs.
Le compositeur a ensuite étudié le lieu – son architecture, ses espaces – afin d’en déterminer les singularités acoustiques. Cette observation sonore passe avant tout par le calcul des ondes stationnaires – fréquences sonores – propres aux espaces du bâtiment, mais aussi par l’expérimentation et l’écoute des effets que les espaces architecturaux provoquent sur les sons joués, parlés ou chantés (réverbération, atténuation, etc.).
Une composition collaborative impliquant les musiciens, musiciennes et l’ensemble vocal amateur
Ces phases de recherche et d’analyse ont permis à Jean-Luc Guionnet de constituer un corpus de documents, de mots, de phrases et de fréquences sonores qu’il a « désarchivé », c’est-à-dire au sein duquel il a puisé, découpé, recadré et assemblé des éléments jusqu’à en tirer une première trame de la pièce. Mais c’est véritablement au contact de l’ensemble des interprètes, durant les différentes étapes de travail, que la pièce a pu prendre sa forme finale. Les répétitions ont permis en effet aux musiciens et musiciennes, à la comédienne et au chœur de tester des sonorités d’ensemble, des chants indépendants, des effets sonores ou encore des paroles, tout en tenant compte de leur mise en espace et de leur manière de résonner dans les différents espaces du bâtiment. Ces expérimentations ont permis de déterminer collectivement une forme musicale qui combine toutes ces données en une formule sonore à la croisée de la radio, du documentaire et de l’installation.
Une œuvre éclatée dans l’entièreté du bâtiment des Archives nationales du monde du travail
L’œuvre s’étant inspirée de l’entièreté des lieux, à savoir à la fois ses ressources documentaires et son architecture, il était important pour Jean-Luc Guionnet de faire transparaître cette dimension globale dans l’interprétation de l’œuvre. Ainsi, l’éclatement des interprètes dans l’enceinte du bâtiment invite le public à déambuler à travers les différents espaces pour se plonger dans la découverte du lieu et de la richesse de ses archives. Jean-Luc Guionnet envisage cette pièce comme une œuvre qui habite véritablement le lieu et fait (re)vivre les archives par le son.